Pourquoi écrire un article sur le frelon asiatique maintenant? Cette saison 2020 a été un peu spéciale. D’habitude à partir de fin mai l’ensemble de mes ruches partent dans des zones éloignées d’Aix en Provence pour produire du miel de montagne, de châtaignier ou de lavande. Mais cette année un rucher d’une trentaine de ruches est resté tout l’été en Provence. J’étais à côté et j’ai pu voir pendant les mois de juillet et août la pression du frelon asiatique s’accentuer. J’ai donc eu envie de faire le point sur cet envahisseur et de partager avec vous le fruit de mes recherches.

Abeille jaune

QUI EST LE FRELON ASIATIQUE?

D’OU VIENT-IL?

Le frelon asiatique, de son petit nom scientifique Vespa Velutina, est arrivé dans le sud-ouest de la France en 2004 en tant que passager clandestin d’une cargaison de poteries ou de plantes en provenance de Chine. Depuis il n’a eu de cesse d’étendre son territoire et la zone où il est présent s’étend un peu plus chaque année (en moyenne de 78km). Sa présence est aujourd’hui confirmée dans l’ensemble des départements français avec un impact d’autant plus marqué que le département est proche du point d’origine.

Animation progression frelon

COMMENT SE REPRODUIT-IL?

Au printemps, la fondatrice s’extrait de la cachette où elle s’est enfouie pour passer l’hiver et se met à bâtir son nid. Elle y pond quelques œufs et se charge de trouver à manger pour ses larves. Une fois ces larves adultes, ce sont elles qui s’occupent de la construction du nid et d’aller chercher à manger. La reine reste alors dans le nid et ne cesse de pondre. La taille du nid augmente sans cesse jusqu’à l’automne. Les plus grands abritent près de 2000 individus à leur apogée et 15 000 au cours de la saison entière.

A l’automne, les futures fondatrices (au moins 500 par nid !!) et les mâles qui vont les féconder quittent le nid. Après fécondation, les futures reines s’enterrent et hibernent avant de recommencer le cycle l’année suivante. Le reste du nid lui dépérit petit à petit jusqu’à mourir totalement pendant l’hiver.

QUE MANGE-T-IL?

Un frelon asiatique adulte se nourrit uniquement de nectar, de miel ou de miellat. Il n’est donc pas rare de voir des frelons butiner des fleurs. Ils peuvent également s’attaquer directement à des fruits bien mûrs tels que des pommes, des prunes ou des raisins…

Mais on les voit également régulièrement découper de pauvres abeilles et partir vers leur nid avec le plein de protéines. Ces proies sont destinées aux larves. En effet lors de leur croissance, elles ont besoin d’une nourriture riche en protéines ! Et plus le nombre de larves dans le nid est important et plus il faut ramener de chair fraiche. D’où une augmentation progressive de la prédation au cours de la saison.

Répartition moyenne des proies du frelon asiatique

D’après les informations trouvées sur le site de INPN, le frelon asiatique ne s’attaque pas uniquement aux abeilles mais elles représentent presque en moyenne la moitié de leurs proies. En milieu artificiel cette proportion monte même au-dessus des 65% !

POURQUOI EST-CE UN PROBLEME POUR LA BIODIVERSITE ET PLUS PARTICULIEREMENT POUR NOS ABEILLES?

Une menace pour nos abeilles

Depuis son arrivée sur notre territoire les apiculteurs français n’ont de cesse de tirer le signal d’alarme face à cet envahisseur. Plus le besoin en protéines augmente pendant la saison plus les frelons se font pressants à l’entrée des ruches. Leur capacité à voler en stationnaire leur permet de rester en attente facilement devant la planche d’envol contrairement au frelon européen qui lui ne sait pas resté fixe en vol. Les abeilles effrayées par les prédateurs n’osent plus sortir de leur ruche et sont en état de siège. A partir de là, elles ne sont plus en mesure de subvenir correctement aux besoins de leurs propres larves et la ruche petit à petit dépérit. Il arrive également que le frelon asiatique entre dans la ruche pour y faire son marché, d’où l’importance de placer des portes anti-frelon en cas d’attaques !

Une menace pour notre frelon européen

Dans notre écosystème français, le frelon asiatique prend la place du frelon européen (Vespa Crabro). Les nids du frelon à pattes jaunes sont cinq fois plus populeux que ceux du frelon européen. Et le régime alimentaire des deux espèces est assez similaires. Ils entrent donc en concurrence pour les ressources. Il arrive même de les voir se battre !

Une menace pour nous

Tomber nez à nez avec un nid de frelon asiatique n’est jamais une bonne surprise. Même s’il est assez rare de voir les gros nids perchés à plusieurs dizaines de mètres dans les arbres, il est courant que les nids primaires de début de saison (voir §Déjà le Reconnaître !) soit à hauteur d’homme, ou pire à hauteur d’enfant. Et les frelons se révèlent assez agressifs quand on s’approche trop près de leur nid. Vigilance donc !

Abeille jaune

COMMENT LUTTER CONTRE LE FRELON ASIATIQUE?

DEJA LE RECONNAITRE !

Le site de l’INPN permet de télécharger une fiche d’identification du frelon asiatique. Les points principaux pour le reconnaître sont :

  • Il est plus petit que le frelon européen,

  • Il est à dominante noir avec des bande jaunes alors que notre frelon local est à dominante jaune avec des bandes noires

  • Il est capable de faire des vols stationnaires devant la ruche

  • Ses pattes sont jaunes

Et il faut également pouvoir reconnaître son nid!

Près de 70% des colonies de frelons asiatiques déménage au cours de la saison pour agrandir plus facilement leur nid. Il ne faut donc pas chercher le même type de nid suivant le moment de l’année.

En début de saison, les nids (dits primaires) sont assez petits (5 à 10 cm de diamètre) avec une ouverture vers le bas. Plus tard dans la saison, les nids (dits secondaires) sont beaucoup plus gros (60 à 80cm de diamètre), sont souvent perchés à plus dizaines de mètres dans les arbres avec une ouverture latérale.

Nid primaire du frelon asiatique
Nid secondaire d'un frelon asiatique perché dans les arbres

Pour simplifier, si vous voyez une grosse boule type papier mâché suspendue dans un arbre, c’est sans doute un nid de frelons asiatique et il faut le signaler au plus vite !

L’EVITER OU LIMITER SA PRESSION

C’est la solution qui semble techniquement la plus simple: si vous voulez éviter à vos abeilles de subir les attaques du frelon asiatique, il suffit de poser vos ruches là où il n’y en a pas. Il reste quelques zones surtout dans l’est du pays, où la pression n’est pas encore très intense. Mais cela n’est valable que si vous êtes assez proches de ces régions et que vous acceptiez de faire des transhumances.

A savoir également que plus il y a de ruches dans un rucher et plus la pression par ruche est limitée. Même s’il est courant de voir les frelons s’attaquer massivement à la plus faible des ruches avant de passer à la suivante…

LE PIEGEAGE (ATTENTION UNIQUEMENT AU PRINTEMPS!)

Piéger les frelons quand la pression est à son maximum est tentant. En effet avant cette période, les dégâts sont assez faibles et ne semblent pas justifier d’intervenir. Erreur ! Pour qu’un piégeage soit efficace, le mieux est de piéger la reine elle-même ! Plus de reine = plus de nid. Cela veut dire qu’il faut démarrer son piégeage dès février lorsque les premières reines sortent de leur hibernation (le moment varie suivant la météo et le lieu où l’on se trouve) mais qu’il est inutile de le poursuivre après le mois d’avril puisque la reine ne sort alors plus de chez elle.

Les pièges ne sont pas encore parfaits et sont souvent peu sélectifs. On risque donc de nuire à des espèces précieuses pour notre biodiversité. Je ferais cet hiver un autre article dédié uniquement aux méthodes de piégeage qui existe.

LA DESTRUCTION DES NIDS

C’est la solution au problème. Le territoire de chasse du frelon asiatique s’étend à environ 800 mètres de son nid. Le détruire réduit mécaniquement et de manière très visible la pression exercée sur les ruches. La destruction peut être faite tout au long de la saison mais ne sert pas à grand-chose en hiver puisque le nid n’est plus habité à cette date et qu’un nid n’est jamais réutilisé d’une année à l’autre.

Plusieurs méthodes existent pour le détruire mais il faut toujours faire appel à des professionnels pour le faire ce n’est pas un geste anodin ! Cela a bien sûr un coût mais c’est plus prudent ! Et dans le cas où des produits chimiques sont utilisés, une fois le nid mort, il faut l’enlever. Sinon des oiseaux risque d’ingérer les produits toxiques en venant manger les larves qui s’y trouvent.

Le plus dur est bien entendu de trouver les nids. Ils sont en général très bien cachés par le feuillage alors ouvrez l’œil pendant vos balades !

INTERPELLER LES AUTORITES LOCALES

Aujourd’hui, même si le frelon asiatique est classé dans la catégorie des dangers sanitaires et comme une espèce exotique envahissante, aucune stratégie de lutte au niveau national n’est mise en place. Certains départements, comme le 06 prennent en charge le coût de destruction des nids mais les initiatives de ce type restent trop rares et on laisse souvent les apiculteurs lutter seul contre ce fléau.

IL est donc important d’alerter les mairies, les conseils généraux et autres autorités locales du danger que représente le frelon asiatique. Cela les incitera peut-être à initier des actions qui permettront la destruction de plus de nids et donc une lutte plus efficace.

Des recherches sont en cours pour tenter de trouver d’autres moyens de lutte comme un prédateur de type parasite, mais cela n’en n’est qu’au stade expérimental. Plus d’infos sur ces recherches en cours là.

Abeille jaune

CONCLUSION

Nos abeilles font face aujourd’hui à un redoutable prédateur qui a été introduit par l’homme dans son environnement. Elle n’est pas en mesure de lutter seule efficacement contre lui, il est donc nécessaire de l’aider. Tout le monde est concerné !

Chercher les nids, les signaler (pour le faire c’est juste là! ) et les faire détruire reste aujourd’hui la solution la plus efficace.

Une campagne de piégeage bien réalisée est également une bonne idée si elle est faite avec des pièges sélectifs et uniquement au printemps pour attraper les reines.

Mais rien de telle qu’une action collective. Il est donc important de sensibiliser le maximum de monde sur le sujet et même d’impliquer les autorités locales pour venir à bout de cet envahisseur !

Mes sources pour cet article :

http://frelonasiatique.mnhn.fr/

https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/433589

Article de la revue insecte_2013

La fiche d’identification du frelon est disponible ici

La partie du guide des bonnes pratiques apicoles de l’ITSAP concernant le frelon est disponible ici